J’en étais à me plonger dans un véritable délire d’enthousiasme, d’avoir rencontré un collègue en histoire naturelle dans cet endroit perdu de la côte du Saint-Laurent, lorsqu’un hasard de la conversation me fit reconnaître un botaniste en la personne de M. l’abbé P. Lemay, le missionnaire, qui nous accompagnait. M. Lemay s’est occupé de botanique longtemps avant de résider sur la Côte ; et durant les années qu’il a déjà passées ici, il a enrichi son herbier de toutes les plantes qu’il a pu rencontrer dans ses courses de missionnaire, depuis Godbout jusqu’à la Rivière-Pentecôte, et même, encore plus à l’est ; car, dans les premiers temps, le territoire qui lui était assigné s’étendait aussi dans cette direction. — Donc, voici que nous sommes ici trois naturalistes ! Ce n’est vraiment pas mal.
Pourtant, je ne suis pas encore au bout de mes surprises. Le lendemain, en effet, j’apprends que le comte de Puyjalon est « campé » à quelques centaines de pieds de l’habitation de M. Comeau, et j’eus bientôt le plaisir de le voir nous rejoindre. Quatre naturalistes à Godbout !
Nous fondâmes immédiatement une société d’histoire naturelle, partagée en quatre sections, qui embrassaient plus ou moins équitablement les branches principales des sciences naturelles. Cette société tint plusieurs séances dont la dernière s’ajourna sine die : ce parti parut le plus sûr, parce qu’il est bien douteux que notre association puisse jamais se réunir de nouveau.
Jusque-là je ne connaissais M. de Puyjalon que par ses écrits ; c’est avec le plus grand plaisir que j’ai accueilli l’occasion de le rencontrer personnellement. Né en Bretagne, il habite notre pays depuis plus de vingt ans, et le considère presque comme le sien, tant il s’est fait Canadien. Il l’est même d’autant plus qu’il a fondé une famille canadienne, étant devenu, comme on sait, le gendre de l’honorable M. G. Ouimet, ex-surintendant de l’Instruction publique. De longues heures durant, nous causâmes de sciences, de littérature, des choses de France et du Canada ; et je m’aperçus bientôt que mon interlocuteur est loin d’être le premier venu.