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suffisent même pas à donner une idée exacte du sacrifice aux temps homériques. Nous n’apercevons les plus anciens rites qu’à travers des documents littéraires, vagues et incomplets, des survivances partielles et menteuses, des traditions infidèles. — Il est également impossible de demander à la seule ethnographie le schème des institutions primitives. Généralement tronqués par une observation hâtive ou faussés par la précision de nos langues, les faits enregistrés par les ethnographes ne prennent leur valeur que s’ils sont rapprochés de documents plus précis et plus complets.

Nous ne songeons donc pas à faire ici l’histoire et la genèse du sacrifice et, s’il nous arrive de parler d’antériorité, il s’agira d’antériorité logique et non d’antériorité historique. Ce n’est pas que nous nous refusions le droit de faire appel soit aux textes classiques, soit à l’ethnographie, pour éclairer nos analyses et contrôler la généralité de nos conclusions. Mais, au lieu de faire porter notre étude sur des groupes de faits artificiellement formés, nous aurons, dans les rituels définis et complets que nous étudierons, des ensembles donnés, des systèmes naturels de rites qui s’imposent à l’observation. Ainsi contraints par les textes, nous serons moins exposés aux omissions et aux classifications arbitraires. Enfin, comme les deux religions qui vont constituer le centre de notre investigation sont très différentes, puisque l’une aboutit au monothéisme et l’autre au panthéisme, on peut espérer, en les comparant, arriver à des conclusions suffisamment générales[1].

  1. Nous devons, avant tout, indiquer quels sont les textes dont nous nous servons et quelle est notre attitude critique à leur égard. — Les documents du rituel védique se répartissent en Vedas ou Saṃhitâs, Brâhmaṇas et Sûtras. Les Saṃhitâs sont les recueils d’hymnes et de formules récités dans les rites. Les Brâhmaṇas sont les commentaires mythologiques et théologiques sur les rites. Les Sûtras sont les manuels rituels. Quoique chacun de ces ordres de textes repose sur l’autre, comme une série de strates successifs dont le plus ancien serait les Vedas (voir Max Müller, Sanskr. Lit., p. 572, sqq.), on peut, avec la tradition hindoue, que les sanscritistes tendent de plus en plus à adopter, les considérer comme formant tous un bloc et se com-