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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/192

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ils le passent souvent sans prêtre, soit que le curé aille à la mission voisine ou qu’un voyage nécessaire sur le continent le retienne loin de ses ouailles. Alors, à l’heure de la messe, toute la famille se met en prière, puis chante le Kyrie, le Gloria ou le Credo ; dans le cours de la journée, la plupart font une visite au Saint-Sacrement. Et il faut une forte brise et une grosse mer pour arrêter les pêcheurs éloignés d’aller à la messe du dimanche. Dans nos îles, on ne fait pas les choses à moitié : le plus grand nombre sanctifie l’après-midi par vêpres ; et nulle part ailleurs on ne rencontre de plus belle assistance. « J’assistai aux offices du dimanche, messe et vêpres, dit l’honorable Pascal Poirier, en 1914. Il y avait autant de monde à vêpres qu’à la messe : cela est la bonne vieille coutume acadienne, religieusement conservée aux Îles de la M. » C’est leur invincible attachement à la religion catholique qui a conservé « leurs mœurs pures, leur esprit droit et docile à l’égard de l’autorité civile et religieuse », suivant la remarque du protestant Baddeley.

« Les habitants des Îles de la M. ont en général le caractère gai, jovial et aimable », écrit Bouchette en 1851. Ils prennent le temps un peu comme il vient : s’il fait beau et que la pêche donne, tout le monde est content, et une joie exubérante rayonne et s’épanouit sur leurs visages. On travaille avec entrain et énergie. On bâtit parfois mille châteaux en Espagne, et, comme Perrette, on croit déjà tenir le porcelet quand un revers, une tempête désastreuse, une pêche manquée, une mauvaise récolte viennent assombrir les esprits et jeter sur le riant tableau d’hier un voile de mélancolie. Adieu veau, vache, cochon, couvée !

On songe alors à la misère possible, mais on s’encourage aussi vite qu’on se déconforte et on se prend à espérer, envers et contre tout. « Le bon Dieu ferme une porte et Il en ouvre une autre », disent les femmes