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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/223

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Vous me direz : vous pouvez toujours, en cas de nécessité, communiquer avec les steamers. Eh bien ! quand ils ont besoin de nous, ils diminuent leur vitesse, arrêtent et retournent au besoin ; si nous avons besoin d’eux, les neuf-dixièmes ne nous répondent point ou répondent négativement. C’est ce qui m’est arrivé le printemps dernier lorsque le SS. Aranmore passa à un demi-mille du Rocher, par un temps très calme. Je lui demandai s’il voulait prendre une lettre. On m’a répondu, non. S’il vous plaît, il flottait le pavillon du gouvernement et depuis huit mois j’étais sans aucune nouvelle de la terre ferme ; et nos instantes demandes de secours restent sans réponse cinq ou six fois par année. Je reconnais les difficultés naturelles qui existent, mais l’importance de ce rocher pour la navigation et les dangers auxquels nous sommes exposés, en cas de naufrages ou d’accidents, ne méritent-ils pas l’établissement d’une station télégraphique sur ce rocher ?

J’ai tâché de vous raconter, sans exagération et sans acrimonie, les dangers et les misères auxquels mes prédécesseurs et moi avons été exposés dans l’exercice de nos devoirs de gardiens de ce phare. J’espère que ce rapport vous sera satisfaisant et que mes réclamations recevront votre juste considération.

J’ai l’honneur d’être, cher monsieur,
votre serviteur dévoué,
Wilfrid Bourque,
gardien de phare.

Au commencement de mars 1911, le signataire de cette lettre eut une aventure on ne peut plus mystérieuse et tragique. Il alla à la chasse, suivant son habitude, au bas de la falaise, sur la laisse de glace qui bordait le rocher. Mais son absence, se prolongeant