Aller au contenu

Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 212 —

bateau ! c’est simple comme bonjour : un ponchon… Ce sera bien le bateau le plus original au monde ! C’est accepté d’emblée, avec enthousiasme. Voilà tous les hommes du Havre à gréer le ponchon et toutes les femmes des Îles à écrire de leur plus belle main ! Il faut être expéditif : le lancement aura lieu dans vingt-quatre heures. Le vent est bon, la mer est libre et les vieux prédisent sans broncher une liaison de nord-est.[1] Écoutons une petite Madelinote qui écrit à un cousin par ce courrier insolite. « Je confie ces lignes au hasard des flots, mais l’ardeur et la légitimité de nos désirs qu’elles parviennent à destination changent nos chères espérances en douces réalités… Si la nécessité est mère des inventions géniales, devant quelles entreprises audacieuses reculerait-on pour briser les liens d’une trop longue captivité ? J’ai le cœur gonflé d’émotions ; des larmes s’échappent malgré moi en te traçant à la course ces lignes qui doivent franchir si crânement les limites périlleuses qui nous séparent du reste des humains. L’appareil est prêt : un tonneau à la voile, muni d’un gouvernail en fer devant, par sa position, tenir le vaisseau dans une direction favorable pour qu’il atteigne quelque part. Nos lettres sont mises en boite à conserves cachetées à l’épreuve de l’eau. À deux heures cet après-midi aura lieu le lancement du vaisseau fantastique… ; le vent est favorable, et béni soit celui qui le premier volera au secours de notre frèle esquif ! Il portera pour enseigne et devise : « Winter Magdalen Mail. »

Ce bateau nouveau genre et fin de siècle toucha à Fort Hasting dans la nuit du 12 février. Outre les lettres aux parents et amis, il en portait pour les députés, MM. Rodolphe Lemieux et L-A. Thériault, pour le ministre de la marine, etc… Immédiatement MM. Lemieux et Thériault firent des instances auprès du gouvernement fédéral pour qu’un bateau allât au

  1. Une liaison : plusieurs jours de suite du même vent.