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dans le dessein d’établir une colonie aux Îles de Brion et de Saint-Jean, dans la Baie de l’Acadie. » C’était un grand chrétien. Il voulut associer Dieu à son entreprise. Avant son départ, il fit célébrer une messe dans son navire à la jetée, en attendant la marée. Et en arrivant aux Îles de la Madeleine, « il fit planter une grande croix sur le plus haut cap de l’entrée du port, » tirer onze coups de canons, allumer un grand feu et chanter un Te Deum d’actions de grâces. Voilà le bel esprit religieux de nos Français du XVII siècle ! C’est le geste que font tous les découvreurs et tous les explorateurs français de cette époque. La croix est le point de repère qui retrace la marche de la civilisation à travers les régions sauvages et païennes du Nouveau-Monde.

Une étude comparée de la description de Jean Doublet et des premières cartes exactes qui furent dressées nous permet d’affirmer que le havre en question est le Havre-Aubert et que le cap sur lequel on planta une croix est le cap Shea.

On se mit à l’œuvre sans retard : on dressa quelques tentes pour l’été, on prépara les bateaux de pêche et les chaffauds pour faire sécher la morue, puis on examina « le lieu le plus à comodité proche de deux bayes où l’on peut plus abondament prendre les loups marins afin d’y faire des logements » pour l’hivernement. C’était à quelques milles du port du côté du Havre-aux-Basques, à l’Anse-du-Cap probablement. Pour y aller on pratiqua un chemin de dix-huit pieds de largeur. De ce côté-là de l’île, on voit à la fois le Bassin, qui était alors accessible aux navires et la baie de Plaisance ; ce qui fait dire à Doublet que l’habitation était proche de deux baies. C’est là que devait hiverner Philippe Gaignard, chirurgien, lieutenant de Doublet, avec les vingt-cinq hommes amenés dans ce but.