Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/223

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voyage, quoique long, avait été heureux. Il rapportait non-seulement la somme d’argent qu’il avait prêtée à la reine, mais encore un magnifique cadeau du plus beau jade qu’il y eût dans le pays. C’était de quoi faire dans le Cathay une belle fortune.

Durant le long séjour que le P. Goès fut obligé de faire à Yarkand, il fut souvent en danger de perdre la vie par le fanatisme des musulmans. Un jour un homme furieux entra brusquement chez lui, et lui appuyant son cimeterre sur la poitrine, le menaça de l’en percer s’il ne rendait immédiatement hommage au prophète Mahomet. Le courageux missionnaire le regarda avec un sang-froid accablant, écarta doucement son sabre et lui dit : Va-t’en, je ne connais pas Mahomet. Une autre fois on le fit assister à une discussion religieuse, où sa profession de foi chrétienne excita une telle fureur qu’on voulut le mettre en pièces. Son calme imperturbable et quelques paroles prononcées avec dignité suffirent pour calmer la tempête.

Enfin, la grande caravane qui devait partir pour le Cathay fut définitivement organisée. Elle avait à sa tête un riche marchand de la ville qui avait acheté du roi le titre de capitaine des voyageurs. Le P. Goès s’était abstenu par prudence de manifester son projet de faire partie de l’expédition. Le capitaine, qui désirait beaucoup avoir en sa compagnie un homme d’un caractère à la fois si énergique et si sage, alla le trouver et lui demanda s’il ne voudrait pas être du voyage. On ne pouvait faire à Goès une proposition plus agréable ; cependant il voulut se faire prier, et s’arrangea de façon qu’il parut, aux yeux de la caravane, avoir accordé une faveur plutôt qu’en avoir accepté