Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/239

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dans l’empire une classe à part et mènent une existence indéfinissable. D’abord tout travail pénible est en dehors de leurs goûts et de leurs habitudes ; s’occuper d’industrie, de commerce ou d’agriculture serait trop au-dessous de leur mérite et de leur dignité. Ceux qui tiennent le plus à gagner sérieusement leur vie se font maîtres d’école et médecins, ou cherchent à remplir quelque emploi subalterne dans les tribunaux ; les autres mènent une vie très-aventureuse, en exploitant le public de mille manières. Ceux des grandes villes ressemblent beaucoup à des gentilshommes ruinés ; ils n’ont d’autre ressource que de se visiter les uns les autres, pour s’ennuyer à frais communs ou se concerter sur les moyens à prendre pour ne pas mourir de faim. Ils s’en tirent ordinairement en faisant des avanies aux riches et quelquefois aux mandarins pour leur extorquer de l’argent. Comme ces derniers ont souvent de gros péchés d’administration sur la conscience, ils n’aiment pas trop à avoir pour ennemis des bacheliers inoccupés et affamés, et toujours disposés à ourdir quelque intrigue, à dresser quelque guet-apens. Les procès sont encore une de leurs grandes ressources ; ils s’appliquent à les fomenter, à envenimer les parties ; puis ils se chargent, moyennant une honnête rétribution, de leur parler la paix, comme ils disent en leur langage, et de leur faire des commentaires sur le droit. Ceux dont l’imagination n’est pas assez vive et féconde pour leur fournir tous ces moyens d’industrie, cherchent à vivre de leur pinceau, qu’ils manient, pour la plupart, avec une admirable habileté. Ils exploitent un petit commerce de sentences, écrites en beaux caractères sur