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Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/301

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Voyage au Thibet. Il remarque avec raison que chez ce peuple le sentiment religieux domine et absorbe tous les autres. Il ne prend de l’industrie, de l’agriculture et du commerce tout juste que ce qu’il en faut pour satisfaire aux exigences les plus rigoureuses de la vie matérielle, et se considère ici-bas comme en un lieu de passage, accomplissant un triste et court pèlerinage vers un monde meilleur. Ce sentiment est si profond que les hommes en général portent dans leur langue le nom de voyageurs, ou plutôt de marcheurs. Ils comptent la terre pour si peu de chose, que, pour demander à un étranger le nom de son pays, ils ont l’habitude de dire sous quel morceau du ciel marchez-vous ?…

C’est surtout à cette profonde conviction religieuse qu’on doit attribuer le nombre prodigieux de lamas qu’on voit dans le Thibet. Il n’est pas de famille qui n’en ait plusieurs. Souvent, sur trois frères il y en a deux qui embrassent la vie religieuse[1]. Le roi de Caparangue aimait beaucoup les lamas avant l’arrivée du P. d’Andrada ; mais insensiblement il s’éloigna d’eux pour se rapprocher des missionnaires. Il se plaisait à leur entendre développer les principaux points de la doctrine chrétienne ; il étudiait les prières catholiques et les récitait fréquemment avec une véritable dévotion. « Il vient souvent chez nous, écrivait d’Andrada, quoiqu’il n’aille dans la maison d’aucun particulier. Aussitôt qu’il est arrivé, il va à l’église faire sa prière, et me répète souvent que dès qu’il sera suf-

  1. Voir sur les lamas et les monastères du Thibet, le deuxième volume des Voyages dans la Tartarie et le Thibet.