Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/35

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orientales de l’Asie le caractère envahisseur des Européens.

Ces considérations, auxquelles la conduite toute récente des Portugais dans les Indes, leurs audacieuses entreprises et leurs rapides conquêtes donnaient beaucoup de poids, n’étaient pas de nature à favoriser la mission de Pirès. La lettre du roi de Portugal à l’empereur de la Chine, lettre dont l’ambassadeur était muni, fut un nouveau sujet de mécontentement. Cette pièce, écrite dans le style ordinaire de la correspondance des rois de Portugal avec les princes de l’Orient, ne pouvait être reçue sous cette forme à la cour du Fils du Ciel, et, par l’effet d’une ruse qu’on attribua aux musulmans de Malacca, on en avait fait en chinois la traduction la plus exacte et par conséquent la plus capable de déplaire. Il n’en fallut pas davantage pour faire considérer Pirès comme un espion qui avait usurpé le titre et la qualité d’ambassadeur.

L’empereur étant mort sur ces entrefaites, on ordonna que Pirès serait reconduit à Canton et qu’en attendant les Portugais seraient obligés de quitter cette ville. Ceux-ci s’y refusèrent, et il s’éleva en conséquence une rixe dans laquelle ils ne furent pas les plus forts. Pirès et les gens de sa suite arrivèrent à Canton immédiatement après cet événement et en devinrent les victimes. On les mit en prison et on les menaça de les juger d’après les lois de l’empire, en les rendant responsables de l’insolence de la lettre du roi des Francs qu’ils avaient apportée, de l’audace qu’avait eue ce roi d’attaquer les vaisseaux de la Chine et de la mauvaise conduite de leurs compatriotes. De tels griefs auraient justifié aux yeux des