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Grand éloge de l’excellence poétique et littéraire de ce temps-ci, sans que M. de Barante s’en doutât.




XII

22 avril 1847. — Élection de M. Ampère. C’est un progrès sur la dernière. Progrès lent. Mais les Académies, comme les vieux, vont à petits pas.

Pendant la séance et après l’élection, Lamartine m’a envoyé par un huissier ces deux vers :

C’est un état peu prospère
D’aller d’Empis en Ampère.

Je lui ai répondu par le même huissier :

Mais le destin serait pis
D’aller d’Ampère en Empis.




XIII

Ier décembre 1847.

Alexis de Saint-Priest m’a fait aujourd’hui une visite académique. Il avait vu ce matin M. de Chateaubriand, c’est-à-dire un spectre. M. de Chateaubriand est complètement paralysé, il ne marche plus, il ne remue plus. Sa tête seule vit. Il était très rouge, avec l’œil triste et éteint. Il s’est soulevé et a prononcé quelques sons inarticulés où M. de Saint-Priest n’a pu saisir que cette phrase dite en une grande minute :

L’Académie, — Monsieur, — ne vous sera pas — difficile, — j’espère.

M. de Saint-Priest n’est resté qu’un quart d’heure, le cœur serré.




XIV

30 décembre 1847.

On a voulu me faire directeur de l’Académie. J’ai refusé. On a nommé Scribe. J’ai dit : — Tant que l’Académie tiendra un de ses membres en pénitence (M. de Vigny) je tiendrai compagnie à ce membre. — On ne veut nommer M. de Vigny ni directeur, ni chancelier, à cause de son démêlé avec M. Molé.