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X


5 novembre 1847.

Il y a quatre ans, M. le duc d’Aumale était caserné à Courbevoie avec le 17e dont il était alors colonel. Le matin, l’été, après les manœuvres qui se faisaient à Neuilly, il s’en revenait, assez volontiers seul et les mains derrière le dos, le long du bord de l’eau. Il rencontrait presque tous les jours une jolie fille appelée Adèle Protat qui allait tous les matins à la messe de Courbevoie à Neuilly et s’en retournait à la même heure que M. d’Aumale. La jeune fille remarquait le jeune officier, ignorant qu’il était prince et ne connaissant même pas assez les épaulettes pour voir qu’il était colonel. On finit par s’aborder et par causer. Le soleil, les fleurs, les belles matinées aidant, quelque chose parut qui ressemblait à l’amour. Adèle Protat croyait avoir affaire tout au plus à un capitaine. Il lui disait : — Venez me voir à Courbevoie. — Elle refusait. Faiblement.

Un soir, elle passa en bateau près de Neuilly. Deux jeunes gens se baignaient. Elle reconnut son officier. — Voilà le duc d’Aumale, dit le batelier.

— Bah ! dit-elle, et elle pâlit.

Le lendemain, elle ne l’aimait plus. Elle l’avait vu nu, et elle le savait prince.