Nous partons tout à l’heure, mon Adèle, dans deux jours je serai à Paris ; dans trois, à Blois. Quelle joie de te revoir ! Il y a beaucoup de choses tristes qui se mêlent à cette joie : il faudra quitter Blois sur-le-champ, et je me promettais là six semaines de repos. Mais une foule de nécessités impérieuses nous obligent à ce sacrifice. Prépare donc tout pour notre départ.
Je viens de voir Roger[1] qui est ici comme député. Il m’a donné toutes les facilités possibles pour être à Blois sur-le-champ, pourvu que les places ne soient pas prises. Mais il lui est impossible de nous en donner pour le retour ; il faudrait que par hasard la malle se trouvât vide, et on ne peut la retenir dès Bordeaux, attendu que plusieurs villes sur la route ont droit à des places, en cas que la voiture soit vacante.
Je viens aussi d’embarquer M. de Chateaubriand. J’étais seul à son départ !
Hier a eu lieu la cérémonie des ordres royaux, qui est fort belle. Le costume des chevaliers est magnifique. Au reste, je te dirai tout cela, bien-aimée. J’aurais encore bien des choses à te dire que je ne puis t’écrire, mais dans trois jours ! Que ces trois jours passeront lentement !
Je te préviens une seconde fois que la voiture dite la Pompe est détestable. Vois s’il y a beaucoup de monde dans les grandes messageries et, dans ce cas seulement, arrête à la Pompe les trois premières places.
Adieu, mon ange adoré. Si par hasard je n’étais pas à Blois le 3 au matin, comme je l’espère, ne t’inquiète pas. C’est que la malle aura été pleine. Au reste, j’aurai peut-être le temps de t’écrire encore un mot.
Mille tendres baisers.
Exprime bien toute notre reconnaissance à nos parents, en attendant que je la leur exprime moi-même.
Dis à mon bon père que j’ai beaucoup parlé hier de lui avec un député du Doubs, M. Emmin, ami de ma marraine, la baronne Delélée.
Et ma Didine[2] ?