Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/129

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Montjau[1] et Deschanel, m’ont conduit à Anvers ; là m’attendaient nos co-réfugiés d’Anvers ; ils m’ont reçu et on a improvisé un banquet que j’ai présidé ; hier matin, les belges démocrates d’Anvers m’ont offert un grand déjeuner où ils ont invité tous les proscrits.

Au moment où nous nous mettions à table sont arrivés de tous les points de la Belgique une foule de représentants et de proscrits pour me dire adieu. Parmi eux Charras, Parfait, Versigny, Brives[2], Valentin[3], Étienne Arago, etc. — Déjà s’étaient rendus à Anvers pour le même objet Agricol Perdiguier[4], Gaston Dussoubs[5], Buvignier[6] , Labrousse, Besse[7], etc., et une foule d’écrivains et de journalistes proscrits, Leroy, Courmeaux[8], Arsène Meunier[9].

Bocage est arrivé exprès de Paris. Tout ce voyage a été une longue ovation.

Madier de Montjau, au départ, m’a adressé un vraiment très beau discours, qui venait du cœur. J’ai assez bien parlé en réponse. Discours des écrivains,

  1. Madier de Montjau, avocat, républicain ardent, fut élu député de Saône-et-Loire en 1850 ; proscrit lors du coup d’État, il se réfugia en Belgique.
  2. Brives, élu représentant de l’Hérault en 1848, fut porté par ce département comme candidat de la République démocratique et sociale. Réélu en 1849, il combattit activement la politique de Louis Bonaparte. Exilé en 1851, il gagna Bruxelles et y fit le commerce des vins. Il ne rentra en France qu’après le 4 septembre 1870 ; mais ayant pris part à la Commune, il fut arrêté ; il parvint à retourner à Bruxelles, et rentra en France à l’amnistie de 1879.
  3. Valentin, représentant du Bas-Rhin à l’Assemblée législative, combattit énergiquement la politique de l’Élysée ; arrêté le 2 décembre 1851, il fut expulsé, se retira en Angleterre et ne revint en France qu’en 1870. Nommé préfet du Bas-Rhin, il organisa des expéditions de francs-tireurs et fut fait prisonnier. À l’armistice, il fut libéré et devint préfet du Rhône.
  4. Agricol Perdiguier, compagnon menuisier, républicain socialiste, élu député de la Seine en 1848 et 1849, s’associa à toutes les mesures de clémence envers les insurgés. Quand vint le coup d’État, ses protestations violentes le firent arrêter, emprisonner, et enfin exiler ; d’abord réfugié en Belgique, il passa en Suisse où il publia les Mémoires d’un compagnon. Il rentra en France en 1857 et s’y établit libraire.
  5. Gaston Dussoubs, avocat, fut en 1842, à Poitiers, un ardent propagandiste de l’idée républicaine. Élu représentant de la Haute-Vienne en 1849, il combattit la politique de Louis Bonaparte. Bien que n’ayant pu prendre part à la résistance au coup d’État, il était malade au lit, il fut néanmoins proscrit. À peine remis, il passa en Belgique, et revint mourir en France en 1856.
  6. Buvignier, avocat, fut poursuivi sous Louis-Philippe comme affilié aux sociétés secrètes : Les amis du peuple et les Droits de l’homme. Représentant du peuple en 1848, il s’associa à toutes les propositions de la minorité républicaine. En 1850 il fut condamné à un an de prison. À sa libération, il reprit sa lutte contre le prince-président, fut expulsé au 2 décembre et condamné à la déportation à Cayenne. Il partit alors pour Bruxelles d’où il ne revint qu’en 1860, après l’amnistie.
  7. Besse, républicain démocrate socialiste, fut élu représentant du peuple en 1849, siégea à la Montagne et fut expulsé pour avoir protesté contre le coup d’État.
  8. Eugène Courmeaux, journaliste, conservateur de la Bibliothèque et des Archives de Reims, fut arrêté et emprisonné pour avoir protesté contre l’expédition de Rome en 1849, puis relâché, mais destitué. Pressentit et combattit le coup d’État du 2 décembre dans des articles qui le firent condamner à un an de prison et 2 000 fr. d’amende. Il se réfugia à Bruxelles.
  9. Arsène Meunier, journaliste, membre du comité socialiste. Enfermé à Bicêtre, à Mazas, puis condamné à dix ans de Lambessa. Sa peine fut commuée, à la demande de Béranger, en exil.