Si nous pouvions coloniser un petit coin d’une terre libre ! L’exil ne serait plus l’exil. Je fais ce rêve.
Mettez-moi aux pieds de madame Paul Meurice. Je suis à vous profondément.
Ma bien-aimée petite Adèle, tu m’as écrit une charmante lettre. Merci de la fleur, elle sentait encore bon ; il m’a semblé, chère enfant, que tu m’envoyais ton âme.
Ta mère retourne près de toi[2], près de vous tous. Elle est bien heureuse ! Moi je vais vivre seul, proscrit, dans le nord, dans le brouillard, dans le travail sans relâche. Je me donnerai des forces en pensant à vous.
C’est pour vous que je vais travailler, c’est pour toi, ma fille chérie. Les temps rudes que tu m’entendais prédire quelquefois sont arrivés, tu t’en ressentiras toi-même peut-être un peu, mon enfant, quoique j’aie tout fait pour toucher le moins possible à votre bien-être, soyons tous forts, soyons tous unis. C’est là le vrai bonheur que toutes les catastrophes extérieures n’ôtent pas aux cœurs vrais et profonds.
Courage, chère enfant bien-aimée. Quelque chose me dit qu’avant peu nous nous reverrons tous. Je t’embrasse sur les deux joues. Écris-moi[3].
Chère amie, je reçois ta lettre et j’y réponds tout de suite. Ce mot te sera porté par un jeune homme plein de cœur, M. Fossard, avocat. Reçois-le comme un ami, car bien que je ne l’aie vu que quelques instants, il y avait