sante sortie sur l’inconvénient des pseudonymes ; de superbes pages consacrées au charnier de Saint-Michel où éclate toute la puissance de vision, de souvenir et d’éloquence du poète. C’est là du plus bel Hugo ; il n’est dans son œuvre passée rien de plus saisissant que ce récit, de plus haut que ces pensées qui ont attendu cinquante ans pour venir à nous.
Tout le volume est rempli de morceaux d’une valeur égale en différents genres ; il n’est pas de si petit détail qui ne fasse vibrer quelque chose de l’âme du poète, témoin la lettre où le seul bruit d’une charrette qui passe vient évoquer pour lui tout un jour de son enfance.
Dans ce morceau plein de charme, et d’une
grâce exquise, comme dans le superbe récit
des cadavres de Saint-Michel, on retrouve et
le poète et le prosateur dans toute leur grandeur.
Rien que ces fragments suffiraient, s’il
était possible que l’œuvre de Victor Hugo
vînt à disparaître, à fixer la postérité sur la
hauteur qui lui est assignée dans l’échelle des
écrivains. Les ruines du Forum, celles de
l’Acropole, de Thèbes, ne disent-elles pas
assez ce qu’étaient Rome, la Grèce et l’Égypte
pour qu’on les devine et qu’on les reconstitue,
sans qu’il soit nécessaire de connaître les
autres merveilleux restes que le temps nous a
conservés ?
La Lanterne.
Victor Hugo n’est pas seulement un prodigieux poète, c’est aussi un incomparable voyageur. Il sait voir en même temps la poésie et la réalité des choses, et il les dépeint avec la verve endiablée d’un artiste et la précision mathématique d’un savant.
…Victor Hugo décrit le paysage des Alpes, des Pyrénées et de l’Espagne avec un si vif relief de dessin et de couleur, qu’il semble, en les lisant, qu’on a fait soi-même le voyage. Le narrateur mêle aux splendeurs et à la vérité de ses descriptions des aperçus pittoresques et des réflexions humanitaires qui prouvent que chez lui le cœur est constamment de la partie. Il y a toujours au fond du cerveau de ce poète un penseur sommeillant qui ne demande qu’à se réveiller.
L’arrivée à Pampelune, la description détaillée
de cette ville, de ses monuments, de
sa cathédrale, valent ensemble un tableau
de grand maître. Tout cela est vivant, rayonnant,
resplendissant et très bien fondu dans
une harmonieuse lumière sous la plume habile
du magicien enchanteur.
L’Écho de Paris.
Victor Hugo se survit, non pas seulement par l’œuvre passée, mais par l’œuvre présente. La mort n’est qu’un mythe. Il est vivant. Il est au milieu de nous. Il s’isole sans doute dans le travail et nous ne pouvons plus l’approcher comme autrefois. Mais c’était là le privilège de quelques-uns. Tous participent toujours à la communion universelle de son génie, et son labeur est le partage de tous. Le père est toujours là-bas dans l’île, comme disait le poète des Exilés.
Non ! Victor Hugo n’est pas descendu dans la tombe. Le Panthéon glorieux n’est qu’un cénotaphe. Gloire ! La bière est vide ; c’est qu’Hugo est vivant. Le maître travaille toujours pour nous et voici son dernier livre : En Voyage. — Alpes et Pyrénées.
L’antithèse, qu’on a reprochée à Victor Hugo, il fallait aussi la reprocher à la nature, qui a fait l’ombre et le jour, l’Alpe et le vallon, le roc du rivage et le flot mouvant des mers…
La publication de ce volume nouveau des
œuvres inédites de Victor Hugo est une pierre
de plus au monument gigantesque, ce monument
toujours plus beau, toujours plus
visible sur l’horizon, toujours plus baigné de
la pleine lumière de sa gloire, et qui, hors de
la nuit du tombeau, monte comme une aube
éternelle émergeant sans fin des profondeurs
de l’Océan.
Le Charivari.
Savez-vous que c’est soumettre la gloire d’un homme à la plus redoutable des épreuves que de le faire ainsi revivre, après sa mort, à intervalles réguliers, pour le soumettre de nouveau au jugement de la postérité ?