Des réflexions amères viennent à l’esprit quand on songe à l’extinction, aujourd’hui inévitable, de cette illustre race de Condé, qui, sans jamais s’asseoir sur le trône, avait toujours été remarquable entre toutes les races royales de l’Europe, et avait fondé dans la maison de France une sorte de dynastie militaire, accoutumée à régner au milieu des camps et des champs de bataille. Si, dans quelques années, de nouvelles convulsions politiques amenaient (ce qu’à Dieu ne plaise !) de nouvelles guerres civiles, nous tous qui servons aujourd’hui la cause monarchique, nous serions bien alors des exilés, des bannis, des proscrits ; mais nous ne serions plus, comme les vainqueurs de Berstheim et de Biberach, des Condéens. Car, du moins, pour ces fidèles guerriers sans foyer et sans asile, le nom de leur chef sexagénaire, ce grand nom de Condé, était devenu comme une patrie.
La peinture des passions, variables comme le cœur humain, est une
source inépuisable d’expressions et d’idées neuves ; il n’en est pas de
même de la volupté. Là, tout est matériel, et, quand vous avez épuisé
l’albâtre, la rose et la neige, tout est dit.
Ceux qui observent avec un curieux plaisir les divers changements que
le temps et les temps amènent dans l’esprit d’une nation considérée
comme grand individu peuvent remarquer en ce moment un singulier
phénomène littéraire, né d’un autre phénomène politique, la révolution
française. Il y a aujourd’hui en France combat entre une opinion
littéraire encore trop puissante et le génie de ce siècle. Cette
opinion, aride héritage légué à notre époque par le siècle de
Voltaire, ne veut marcher qu’escortée de toutes les gloires du siècle
de Louis XIV. C’est elle qui ne voit de poésie que sous la forme
étroite du vers ; qui, semblable aux juges de Galilée, ne veut pas que
la terre tourne et que le talent crée ; qui ordonne aux aigles de
ne voler qu’avec des ailes de cire ; qui mêle, dans son aveugle
admiration, à des renommées immortelles, qu’elle eût persécutées
si elles avaient paru de nos jours, je ne sais quelles vieilles
réputations usurpées que les siècles se passent avec indifférence et
dont elle se fait des autorités contre les réputations contemporaines ;
en un mot, qui poursuivrait du nom de Corneille mort Corneille
renaissant.
Cette opinion décourageante et injurieuse condamne toute originalité comme une hérésie. Elle crie que le règne des lettres est passé, que les muses