Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome II.djvu/502

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evient bonne dans cette poésie, tant cette poésie est saine. Dans cette poésie il y a du parfum, il y a du baiser, il y a du rayon. Toutes les révoltes contre la pédanterie sont là : prosodie disloquée, césure dédaignée, mots coupés en deux ; mais dans cette licence que de science ! Tel hémistiche est une joie, et l’on se récrie. Le contact de ce vers fin et fort est toute éducation pour la pensée ; c’est une volupté de manier ces hexamètres avec les doigts de lumière de l’esprit ; on devient délicat à toucher ce divin style ; et le plus barbare en sort civilisé. Louis XVIII, philosophe relatif, disait : C’est Horace qui m’a rendu libéral. On médite ces ressources infinies de légèreté et de force. Le vers, familier, se tourne, se dresse, saute, va, vient, se fouille du bec, et n’a qu’un souci : être beau. Quoi de plus charmant qu’un moineau-franc tout à l’arrangement de ses plumes ! Horace arrive à cette toute-puissance qu’a la gentillesse des enfants ; il s’impose indolemment et insolemment ; il a la pleine liberté de la grâce ; le despotisme de l’élégance est en lui. C’est le railleur, qui, à volonté, est le lyrique ; et quand il lui plaît d’être lyrique, il devient, cette aventure-là lui arrive, presque grand. Telle de ses odes est un triomphe. Les odes d’Horace font vaguement songer à des vases d’albâtre. Telle strophe semble portée par deux bras blancs au-dessus d’une tête lumineuse. C’est ainsi que de certains versets de la Bible semblent revenir de la fontaine. Tel est Horace. D’autres ont des dons plus augustes, le flamboiement terrible, la foudre aux serres, la vertu fière et planante, l’offensive aux méchants, les colères du sublime, tous les glaives qu’on peut tirer de ce fourreau, l’indignation, les grands espaces, les grands essors, une réverbération de Cocyte ou d’Apocalypse ; Horace, règne par le charme serein. Il a ce qu’on pourrait nommer la blancheur du style.

Chose merveilleuse, et ce sont là les étonnements croissants de l’art contemplé, oui, l’on peut affirmer que les idées dans Horace, ce qu’on nomme le fond, ce n’est que la surface, et que le vrai fond c’est la forme, cette forme éternelle qui, dans le mystère insondable du Beau, se rattache à l’absolu.

Voulez-vous un autre exemple ? Prenez Virgile.

Qu’y a-t-il de plus misérable comme idée que ceci : Octave-Auguste admis parmi les astres et les étoiles se rangeant pour lui faire place. Jamais la flatterie fut-elle plus abjecte ? C’est l’idée, c’est le fond, n’est-ce pas ? Et c’est plat, et honteux. Voici la forme :

 
Tuque adeo, quem mox quse sint habitura deorum
Concilia, incertum est ; urbesne invisere, Ceesar,