Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/648

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La foule maudite
Croit voir, interdite,
L’enfer dans les cieux !

IX

On dit qu’alors, ainsi que pour voir un supplice,
Un vieux captif se dresse aux murs de sa prison,
On vit de loin Babel, leur fatale complice,
Regarder par-dessus les monts de l’horizon.
On entendit, durant cet étrange mystère,
Un grand bruit qui remplit le monde épouvanté,
Si profond qu’il troubla, dans leur morne cité,
Jusqu’à ces peuples sourds qui vivent sous la terre.

X

 
Le feu fut sans pitié ! Pas un des condamnés
Ne put fuir de ces murs croulants et calcinés.
Pourtant, ils levaient leurs mains viles,
Et ceux qui s’embrassaient dans un dernier adieu,
Terrassés, éblouis, se demandaient quel dieu
Versait un volcan sur leurs villes.

Contre le feu vivant, contre le feu divin,
De larges toits de marbre ils s’abritaient en vain.
Dieu sait atteindre qui le brave.
Ils invoquaient leurs dieux ; mais le feu qui punit
Frappait ces dieux muets, dont les yeux de granit
Soudain fondaient en pleurs de lave.

Ainsi tout disparut sous le noir tourbillon,
L’homme avec la cité, l’herbe avec le sillon !