Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/468

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Que vous devez sourire en voyant notre gloire !
Et, comme un feu brillant jette une vapeur noire,
Que notre fol orgueil au néant appuyé
Vous doit jeter dans l’âme une étrange pitié !

Hélas ! ayez pitié, mais une pitié tendre ;
Car nous écoutons tout sans pouvoir rien entendre !

Cette absence de foi, cette incrédulité,
Ignorance ou savoir, sagesse ou vanité,
Est-ce, de quelque nom que notre orgueil la nomme,
Le vice de ce siècle ou le malheur de l’homme ?
Est-ce un mal passager ? est-ce un mal éternel ?
Dieu peut-être a fait l’homme ainsi pour que le ciel,
Plein d’ombres pour nos yeux, soit toujours notre étude ?
Dieu n’a scellé dans l’homme aucune certitude.
Penser, ce n’est pas croire. A peine par moment
Entend-on une voix dire confusément :
—"Ne vous y fiez pas, votre œuvre est périssable !
Tout ce que bâtit l’homme est bâti sur le sable ;
Ce qu’il fait tôt ou tard par l’herbe est recouvert ;
Ce qu’il dresse est dressé pour le vent du désert.
Tous ces asiles vains où vous mettez votre âme,
Gloire qui n’est que pourpre, amour qui n’est que flamme,
L’altière ambition aux manteaux étoilés
Qui livre à tous les vents ses pavillons gonflés,
La richesse toujours assise sur sa gerbe,
La science de loin si haute et si superbe,
Le pouvoir sous le dais, le plaisir sous les fleurs,
Tentes que tout cela ! l’édifice est ailleurs.
Passez outre ! cherchez plus loin les biens sans nombre.
Une tente, ô mortels, ne contient que de l’ombre."

On entend cette voix et l’on rêve longtemps.
Et l’on croit voir le ciel, moins obscur par instants,
Comme à travers la brume on distingue des rives,
Presque entr’ouvert, s’emplir de vagues perspectives !