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LA PITIÉ SUPRÊME.

Où se réverbéraient les supplices sans nombre ;
Toute sa vie était sur son visage sombre,
L’isolement, le deuil, l’anathème, ce don
Du meurtre qu’on lui fait au-dessous du pardon,
La mort qui le nourrit du sang de sa mamelle,
Son lit fait d’un morceau du gibet, sa femelle,
Ses enfants, plus maudits que les petits des loups,
Sa maison triste où vient regarder par les trous
L’essaim des écoliers qui s’enfuit dès qu’il bouge ;
Ses poings, cicatrisés à toucher le fer rouge,
Se crispaient ; les soldats le nommaient en crachant ;
Il approchait, courbé, plié, souillé, méchant,
Honteux, de l’échafaud cariatide affreuse ;
Il surveillait l’endroit où l’âtre ardent se creuse,
Il venait ajouter de l’huile et de la poix,
Il apportait, suant et geignant sous le poids,
Une charge de bois à l’horrible fournaise ;
Sous l’œil haineux du peuple il remuait la braise,
Abject, las, réprouvé, blasphémé, blasphémant ;
Et Jean Huss, par le feu léché lugubrement,
Leva les yeux au ciel et murmura : Pauvre homme !