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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/220

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RELIGIONS ET RELIGION.

Écoute-les :

Écoute-les : — Fakir, talapoin, muphti, mage,
Brave homme, Dieu, dis-tu, t’a fait à son image.
Alors il est fort laid. J’y consens. Prêtre blanc,
Prêtre noir, qu’il vous soit à tous deux ressemblant,
C’est son affaire. Et moi je siffle. Que de choses
Mal faites dans le tas de ses métempsychoses !
Les diacres aux gros yeux m’ordonnent d’admirer ;
Je ris. La cathédrale en vain pour m’attirer
Ouvre les deux battants de sa porte cochère ;
Je laisse bougonner ces bonshommes en chaire.
Paix aux dévots béats ! quant à moi, je me tiens
Le plus loin que je peux des orateurs chrétiens ;
J’écris sur mon carnet : Fuir Nonotte ; et je cloue
À mon chevet : Ne point aller à Bourdaloue.
Les raisonneurs bigots sont un de mes effrois.
J’abhorre ces forêts de piliers lourds et froids
D’où tombent les frissons, les toux, les pleurésies ;
Je ne m’expose point aux églises moisies ;
Je n’irai point gagner quelques bonnes fraîcheurs
Pour le plaisir d’entendre aboyer vos prêcheurs,
Bavards à barbe ou clercs ras tondus, dont le geste
S’empêtre dans les plis d’une prose indigeste.
Prêtres de plomb ! Laynez, Frayssinous, Bellarmin !
L’ennui pleut de leur phrase ; et, son croc à la main,
Le chiffonnier qui met les âmes dans sa hotte,
Satan, s’il passe là d’aventure, chuchote :
— Quand plus tard, dans l’enfer vengeur, nous assommons
Tous ces lourds sermonneurs, c’est avec leurs sermons. —
Dieu. Le monde. Ânier triste et mauvaise bourrique.
Ah ! prêtres ! s’il faut croire à votre rhétorique,
Dieu mène tout. Tant pis. L’univers disloqué,
Mal sorti du chaos, penche et se cogne au quai.
On distingue ses mâts sur le ciel d’un noir d’encre.
Il n’a plus sa boussole, il a perdu son ancre,
Et semble par moments faire eau de toutes parts.