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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/362

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L’ÂNE.

VII

CONDUITE DE L’HOMME VIS-A-VIS DE LA CREATION.

L’homme, orgueil titanique et raison puérile !
Montre-moi ce que fait ce travailleur stérile,
Et montre-moi surtout ce qui reste de lui.
Depuis Ève, il s’est moins aidé qu’il ne s’est nui.
Dis, que vois-tu de beau, de grand, de bon, de tendre,
De sublime, aussi loin que ton œil peut s’étendre
Dans la direction où marche ce boiteux ?
N’est-il pas lamentable et n’est-il pas honteux
Que cet être, niant ce que font ses génies,
Accablant les Fulton et les Watt d’ironies,
Ayant un globe à lui, n’en sache pas l’emploi,
Qu’il en ignore encor le but, le fond, la loi,
Et qu’après six mille ans, infirme héréditaire,
L’homme ne sache pas se servir de la terre ?
Explique-moi le chant que chante ce ténor.
Le temps qu’il perd, ainsi qu’un prodigue son or,
Échappe heure par heure à sa main engourdie ;
Dans la création il met la parodie ;
Il n’entend pas les cieux dire : Éclairons ! aimons !
Lorsqu’il tente, il échoue ; en présence des monts
Il fait la pyramide, il dresse l’obélisque ;
Il est le blême époux de la vie, odalisque
Au sein gonflé de lait, aux lèvres de corail ;
Sultan triste, il ne sait que faire du sérail ;
Il voit auprès de lui passer, aidant ses vices,
Offrant à son néant d’inutiles services,
Le jour, eunuque blanc, la nuit, eunuque noir.

Il met Dieu dans un temple en forme d’éteignoir,