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L’ÂNE.

Conseil de jardiniers jugeant la forêt vierge !
Ô stupeur ! Sirius contrôlé par le cierge !
Naigeon qui dit : Raca ! Calmet qui crie : Amen !
Faisant à l’infini passer son examen !

Oui, te voilà, toi l’homme, et c’est là ta manière ;
Le char d’Adonaï doit suivre ton ornière ;
Et tu ne consens pas à l’univers, s’il est
Comme l’a fait la Cause et non comme il te plaît ;
Il te froisse, il te gêne ; et, prêtre ou philosophe,
Tu réprouves la forme et tu blâmes l’étoffe ;
Tu ne l’acceptes pas s’il n’est contresigné
Par quelque apôtre d’ombre et de brume baigné ;
Le firmament sera tel que tu le préfères,
Ou tu ratureras les globes et les sphères ;
Tu les coupes selon ton patron de néant.
Citant à ton parquet l’inconnu, maugréant
Ici de ses laideurs, là de ses élégances,
Malmenant l’absolu pour ses extravagances,
Tu lui lis son arrêt d’un ton bref et succinct.
Si le pôle n’est point d’accord avec un saint,
Si quelque astre tient tête à la bible et se mêle
De démentir un texte où la lettre est formelle,
Le pôle est démagogue et l’astre est jacobin.
Quand un pape — je crois que ce fut un Urbain
Quelconque — condamnait, au nom de son messie,
Le soleil à tourner sous forme d’hérésie,
Qui dont eût contredit le prêtre épouvantail ?
La cathédrale d’ombre ouvrait son grand portail,
Les deux battants grinçaient des gonds avec colère,
Rome mettait la main sur le spectre solaire,
L’église requérait le secours de l’état,
Afin que le soleil confus se retractât ;
Devant la nuit stupide, infirme et misérable,
Le jour, pâle, venait faire amende honorable ;