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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/396

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L’ÂNE.

Par un point aux Nérons et par l’autre aux Zoïles.

Ce monde est un brouillard, presque un rêve ; et comment
Trouver la certitude en ce gouffre où tout ment ?
Oui, Kant, après un long acharnement d’étude,
Quand vous avez enfin un peu de plénitude,
Un résultat quelconque à grands frais obtenu,
Vous vous sentez vider par quelqu’un d’inconnu.
Le mystère, l’énigme, aucune chose sûre,
Voilà ce qui vous boit la pensée, à mesure
Que la science y verse un élément nouveau ;
Et vous vous retrouvez avec votre cerveau
Toujours à sec au fond des problèmes funèbres,
Comme si quelque ivrogne effrayant des ténèbres
Vidait ce verre sombre aussitôt qu’il s’emplit.

Ô vain travail ! science, ignorance, conflit !
Noir spectacle ! un chaos auquel l’aurore assiste !
L’effort toujours sans but, et l’homme toujours triste
De ce qu’est le sommet auquel il est monté,
Comparant sa chimère à la réalité,
Fou de ce qu’il rêvait, pâle de ce qu’il trouve !