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LE PAPE.


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IL PARLE DEVANT LUI DANS L’OMBRE


Vivez, marchez, pensez, espérez, aimez-vous.
Nul n’est seul ici-bas. Tout a besoin de tous.
Riche, épargne le pauvre, et toi, pauvre, pardonne
Au riche, car le sort prête et jamais né donne,
Et l’équilibre obscur se refait tôt ou tard.
Tout bien qui naît du mal des autres, est bâtard ;
Et les prospérités ne sont jamais qu’obliques
Et menteuses, sortant des misères publiques ;
L’arbre est malsain ayant un cadavre à son pied.
Rois, ayez peur du trône où votre orgueil s’assied,
Votre âme y devient spectre, et, maîtres des royaumes,
Hélas ! sans le savoir vous êtes des fantômes ;
S’appeler Romanoff, Habsbourg, Brunswick, Bourbon,
Empereur, majesté, roi, césar, à quoi bon ?
Les Pharaons ont fait bâtir les Pyramides ;
Et quand sous le soleil, sous les grands vents numides,
Fouettant leur peuple aux fers, durs comme les destins,
Ils eurent achevé ces monuments hautains,
Qu’ont-ils mis dans ces blocs prodigieux ? leur cendre.
Ô rois, cela ne sert à rien d’être Alexandre,
Sésostris, ou Cyrus à qui le sort sourit,
Il vaut mieux être un pauvre appelé Jésus-Christ.
Le mal que nous faisons trop souvent nous encense ;
Hélas, qui que tu sois, puissant, crains ta puissance,
Qui, de l’autre côté du tombeau, fait pitié.
On est flatté par où l’on sera châtié.
Vous qui faites trembler, tremblez. ― Que tout s’apaise !
Quant à toi, travailleur sur qui le fardeau pèse,