Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/155

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Satan, jadis, prit-il Adam ? Non. Il prit Ève.
Adam, c’est la puissance, Ève est l’amour. Satan,
Entre les deux façons qu’on a d’être sultan,
Choisissait la meilleure en s’adjugeant la femme.
Moi, j’ai fait le contraire. À présent je réclame.
Trop tard. Empanaché, bardé d’un grand cordon,
Je suis Mamamouchi battu par Céladon.
Mon neveu rit, je règne ; il vit, je me lamente,
Et j’enrage. Et je vois dans ses mains mon amante
Au pillage. J’ai l’ombre, il a la proie. Et moi,
Morbleu, je me sens dupe à force d’être roi !

GUNICH.

Prince, vous êtes l’aigle, et vous planez.

LE DUC GALLUS.

Prince, vous êtes l’aigle, et vous planez. Sans joie.
Le prince est un niais puissant ; l’aigle est une oie.
Les palais, la fanfare, et les arcs triomphaux,
L’amour des sujets, l’or, le faste, c’est du faux ;
Le trône nous enferme en son cercle héraldique ;
Celui qu’on aime est roi ; celui qui règne abdique.
Donc, voyant le garçon, beau, jeune, épris, pas vieux…

GUNICH.

Vous en êtes jaloux…

LE DUC GALLUS.

Vous en êtes jaloux… Non. J’en suis envieux !
Vois-tu, l’heureux c’est lui, moi je suis l’imbécile.
Je changerais fort bien avec lui.

GUNICH.

Je changerais fort bien avec lui. C’est facile.

LE DUC GALLUS.

Non, s’il est aimé.

GUNICH.

Non, s’il est aimé. Quoi ! Vous tremblez, vous !