Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/210

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GALLUS.

Pourtant permettez-vous que… Buse, je permets.

GUNICH.

L’amour se pique au jeu quand on lui dit : Jamais !
Vous cachez l’aventure et moi je la devine.
La rêver infernale et la trouver divine,
Voilà votre accident devant cette Zabeth.

GALLUS.

Et d’abord, tu ne sais pas même l’alphabet
Du respect. Nomme-la madame. Elle est au prince.
À moi, qui suis ton maître. Et maintenant, si mince
Que soit ton intellect, comprends que, sans déchoir,
Je ne puis aimer, moi qui jette le mouchoir.
Être un Tityre inepte au fond d’un site agreste,
À d’autres ! N’aimant pas, je reste moi. Je reste
Le maître. Devenir amoureux, moi rieur !
Tu crois que je prendrais ce rôle inférieur !

GUNICH, ricanant.

Le rôle vous prend.

GALLUS.

Le rôle vous prend. Non. Si bon te semble, certe,
Vieux fou, sois amoureux, passe aux femmes, déserte.
Moi, point. J’ai pu, le jour où le dégoût me prit,
Abdiquer comme roi, mais comme homme d’esprit,
Non pas. Moi, grimacer l’amour ! Qu’on me lapide.
Je vois mes rides, va. Me crois-tu donc stupide
Jusqu’à m’imaginer que de jeunes yeux bleus
Planteront là messieurs les blancs-becs merveilleux
Pour contempler rêveurs mon gilet de flanelle !
Ah ! rien ne change, ami, la nature éternelle !
Avril sera toujours par Aurore ébloui.
Matin et renouveau sont des lieux communs ; oui,
C’est vieux, le lys, c’est vieux, la rose ; mais qu’importe,