Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/383

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C’était un cavalier de marbre.

C’était un cavalier de marbre. Altier, austère,
Sur un socle, au milieu d’un perron solitaire,
Couronné de lauriers comme un césar romain,
Il surgissait tranquille, auguste, surhumain.
Au socle était sculptée une main de justice.
Grave, le coude ouvert et le poing sur la cuisse,
Il tenait à la main un bâton d’empereur.
Les arbres s’effaraient pleins d’une vague horreur,
Et leur cime semblait d’un vent d’hiver battue.

La statue alla droit dans l’ombre à la statue ;
Et celui qui marchait regarda fixement
Celui qui songeait triste, immobile et dormant,
À travers la noirceur des sombres branches d’arbre.

L’homme de bronze alors dit à l’homme de marbre :

— Viens donc voir si ton fils est à sa place encor.



Comme un chasseur s’éveille au son lointain du cor,
Louis treize sortit de son éternel rêve ;
Et le blanc porte-sceptre et le noir porte-glaive,
Le pâle roi césar, le fier roi chevalier,
Descendant du perron le livide escalier,
Traversèrent la place et passèrent la grille ;
Et, par-dessus les toits, un spectre, la Bastille,
Les vit qui s’en allaient vers le Paris vivant ;
Le cavalier d’airain, calme, marchait devant,
Tenant son doigt levé pour indiquer la route.

Ils ne passèrent point sous l’arche de la voûte ;