Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/203

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Une plaie effroyable et sinistre est en lui,
On la lui lave avec de l’acide nitrique.
Le Code, cette hache, a pour manche une trique,
Et ce glaive hautain s’achève en vil bâton ;
Si parfois s’accoudant, le poing sous le menton,
Fiévreux,. malade, il rêve, un gourdin le réveille ;
Il a. toujours un bruit de chaînes dans l’oreille,
Il est on ne sait quoi d’abject et de battu,
Un chien le flaire et gronde, un mouchard lui dit tu,
Quel sort ! labeur sans fin, pain noir, paille pourrie ! ...

Un jour, un bruit profond se fait dans la. patrie,
La Marseillaise ailée arrive dans le vent,
Et l’on dit à ce mort : Lève-toi ! Sois vivant.
La mer courbe ses flots, la France ouvre sa porte,
Il revient. Il avait une femme,. elle est morte ;

Un fils, on ne sait pas ce qu’il est devenu ;
Une petite fille, ange à l’oeil ingénu,
Était sa joie ; il voit dans la rue une femme
Qui rit, bras nus, seins nus, fleurs au front, gaie, infâme ;

C’est elle. Et maintenant la ville est en rumeur ;
La Révolution, formidable semeur,
Disperse aux quatre coins des cieux l’âpre colère ;
Alors dans ce coeur sombre et funeste, il éclaire,
Il tonne dans cette âme, et cet homme n’est plus
Qu’ une sorte de gouffre en proie aux noirs reflux ;
Dans cet infortuné le deuil immense écume.
Où donc. est la mitraille ? Où donc est le bitume ?
C’est son tour d’être horrible, il l’est. Il grince, il mord ;
Pas de pitié ! Ce juge, à bas ! ce prêtre, à mort !
Il tue, il pille, il brûle, il massacre, il égorge.
Un innocent qu’on frappe est un bandit qu’on forge.

Paris, 28. novembre.