Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/22

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-Qu'es-tu? dis-je à la cime âpre et des vents fouettée.
-J'attends l'arche; et j'attends la famille exceptée.
-Quelle arche? -Il pleut! il pleut! -Et le reste? -Englouti.
Quoi! dis-je, est-on créé pour être anéanti?
O terre! est-ce ta faute? O ciel! est-ce ton crime?
Mais tout déjà s'était effacé dans l'abîme.

Une flaque de bleu soudain perça l'amas
Des grêles, des brouillards, des vents et des frimas;
Un mont doré surgit dans cet azur terrible;
Là, sans frein, sans pitié, régnait la joie horrible;
Sur ce mont rayonnaient douze êtres sereins, beaux,
Joyeux, dans des carquois ayant tous les fléaux;
La nuée autour d'eux tremblait, et par les brèches
Le genre humain était la cible de leurs flèches;
On voyait à leurs pieds l'amour, les jeux, les ris;
Où l'on ne voyait rien on entendait des cris.
Une voix dit: Olympe! Et tout croula. L'espace,
Où l'informe à jamais flotte, passe et repasse,
Redevint un bloc noir; puis j'entendis un bruit
Qui fit une ouverture éclatante à la nuit,
Et je vis un sommet montré par les tonnerres;
Les vieux pins inclinaient leurs têtes centenaires,
L'aigle en fuite semblait craindre d'être importun;
Et là je vis quelqu'un qui parlait à quelqu'un,
Un homme face à face avec Dieu dans un rêve;
Un prophète effrayant qui recevait un glaive,
Et qui redescendit plein d'un céleste ennui
Vers la terre, emportant de la foudre avec lui.
Et l'infini cria: Sinaï! Puis la brume
Se referma, pareille à des nappes d'écume.
Les vents grondaient; le gouffre était au-dessous d'eux,