Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/327

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    Autant j'aime un livre, autant je hais
Ce que le bourgeois nomme une bibliothèque.
Du patagon au turc et du guèbre à l'aztèque,
L'homme délire. Soit. Ses erreurs. sont nos deuils.
C'est bien. Mais pourquoi faire à grands frais des recueils
Et des collections, qui n'amusent personne,
De toutes les façons dont ce fou déraisonne?
O bahuts solennels, vénérables amas
Des diverses erreurs dans les divers formats,
Rayons qu'emplit la nuit pédagogique, alcôves.
Des bouquins vermoulus chers aux bonshommes chauves;
Cloisons, armoires, trous, compartiments, châssis
Où tous les vieux néants montrent leurs dos moisis,
Dans vos flancs ténébreux, sous la brume des vitres,
Je distingue le tas difforme des bélîtres!
Oh! ceux qu'on ne lit pas et ceux qu'on ne lit plus,
Laharpe et Lebatteux se faisant des saluts
Des deux côtés d'un cippe ou du haut d'un balustre!
Tuet et Patouillet se donnant de l'illustre!
Les adorations de ces cuistres entre eux!
Oh! les socles ventrus sous lés bustes goitreux!
Rapin louant Bouhours! Oh! le bon voisinage
De Saumaise grattant l'échine de Ménage!

L'ombre amoureusement étreint sous le tasseau
Lipse avec Moreri, Brossette avec Crasso;
L'oie admire la dinde et l'on se congratule;
La patte cordiale empoigne la spatule;
Zéro met gravement Nihil sur le pavois.
Bouffissure du vide! ombre! Quand je vous vois,
Sombres in-folio classiques, je me sauve!