Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/61

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L'ignorance, le mal, la guerre, l'homme brute,
C'est fini, cela doit s'en aller dans la chute;
C'est une tête. Eh bien, le panier la reçoit.
Ils marchent, détruisant l'obstacle, quel qu'il soit;
Et c'est leur dogme à tous: -Tuer quiconque tue.
Ruine où l'ordre éclôt, vit et se constitue!
C'est par excès d'amour qu'ils abhorrent; bonté
Devient haine; ils n'ont plus de coeur que d'un côté
A force de songer au sort des misérables,
Et par miséricorde ils sont inexorables.
Pour eux ce blond dauphin, c'est déjà tout un roi;
Qu'importe sa pâleur, sa fièvre, son effroi?
Ils écoutent le triste avenir qui sanglote;
L'enfant a dans leur main la lourdeur d'un despote;
Ils l'écrasent meurs donc! -sous le trône natal.
Ainsi tous les débris du vieux monde fatal,
Évêques mis aux fers, rois traînés à la barre,
Disparaissent, broyés sous leur pitié barbare.
Tigres compatissants! formidables agneaux!
Le sang que Danton verse éclabousse Vergniaux
Sous la Montagne ainsi qu'aux pieds de la Gironde
Le même avenir chante et la même horreur gronde.

Oui, le droit se dressa sur les codes bâtards;
Oui, l'on sentit, ainsi qu'à tous les avatars,
Le tressaillement sourd du flanc des destinées,
Quand, montant lentement son escalier d'années,
Le dix-huitième siècle atteignit quatrevingt;
Encor treize, le nombre étrange, et le jour vint.
Alors, comme il arrive à chaque phénomène,
A chaque changement d'âge de l'âme humaine,
Comme lorsque Jésus mourut au Golgotha,
L'éternel sablier des siècles s'arrêta,