XXXIII LES DEUX CÔTÉS DE L'HORIZON==
Comme lorsqu'une armée inonde des campagnes,
Une. immense rumeur se disperse dans l'air.
Il se fait un grand bruit du côté des montagnes;
Il se fait un grand bruit du côté de la mer.
Le poète a crié: -Qu'est ce bruit? Dans les ombres
Il remplit la montagne, il remplit l'océan.
N'est-ce pas l'avalanche, aigle des Alpes sombres?
O goèland des flots, n'est-ce pas l'ouragan?
Le goèland, du fond des mers où la nef penche,
Est venu. Le grand aigle est venu du Mont Blanc.
Et l'aigle a répondu: -Ce n'est pas l'avalanche.
- Ce n'est pas la tempête, a. dit le goëland.
Ô farouches oiseaux! quoi! cé n'est pas la trombe,
Ce n'est pas l'aquilon que votre aile connaît?
- Non, du côté des monts c'ést un monde qui tombe.
- Non, du çôté des mers c'est; un monde qui naît.
Et le poète a dit: -Que Dieu vous accompagne!
Retournez l'un et l'autre à vos nids hasardeux.
Toi, va-t'en à:ta mer. Toi, rentre à ta montagne.
Et maintenant, Seigneur, expliquons-nous tous deux.
L'Amérique surgit, et Rome meurt! ta Rome!
Crains-tu pas d'effacer, Seigneur, notre chemin,
Et de dénaturer le fond même de l'homme,
En déplaçant ainsi tout le génie humain?