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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/83

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Quand on le vit portant sa lourde carnassière,
Et l'échelle d'écorce, et la hache de pierre,
Les pâtres, les chasseurs à l'oeil audacieux,
L'entouraient, demandant le but de ses voyages;
Et, d'abord, à son doigt levé vers les nuages,
On ne sut s'il montrait le Mont-Blanc ou les cieux.

Mais lorsqu'il révéla son dessein magnanime:
« Frère! du mont maudit tu veux toucher la cime?
« Quel démon à ta mort te conduit par la main?
« Arrière, malheureux! Tu veux périr sans doute!
« L'ouragan et l'abîme ont fermé cette route!... »
Il écouta leurs cris, et reprit son chemin.

Il franchit la colline où, sur ses lames blanches,
Le glacier des Buissons brise les avalanches;
Et le pic des Chamois, les degrés du Malpas,
Les torrents, les glaçons dressés en pyramides,
Et les granits glissants, et les gazons humides,
Et la mousse et les rocs fatiguèrent ses pas.

Il montait; et, volant sur les neiges tombées,
Renversant sur son dos ses cornes recourbées,
Le vif chamois fuyait vers ses antres amis;
Et les pierres, roulant sous sa marche incertaine,
Sondant les flancs du mont dans leur chute lointaine,
Éveillaient des échos jusqu'alors endormis.

Il montait; et bientôt disparurent les chênes,
Les mélèzes, des monts voilant les hautes chaînes,
Les noirs sapins, pressés dans les ravins déserts;
Puis les fleurs, tapissant le flanc des roches nues,
Puis l'eau qui court, l'oiseau qui vole dans les nues,
Puis l'herbe sous ses pieds, puis le bruit dans les airs.