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XV JE TRAVAILLE


Amis, je me remets à travailler; j'ai pris
Du papier sur ma table, une plume, et j'écris;
J'écris des vers, j'écris de la prose; je songe.
Je fais ce que je puis pour m'ôter du mensonge,
Du mal, de l'égoïsme et de l'erreur; j'entends
Bruire en moi le gouffre obscur des mots flottants;
Je travaille. Ce mot, plus profond qu'aucun autre,
Est dit par l'ouvrier et redit par l'apôtre;
Le, travail est-devoir et droit, et sa beauté
C'est d'être l'esclavage étant la liberté.
Le forçat du devoir et du travail, est libre.
Mais quoi! penseur, tu vas remettre en équilibre
Au fond de ton esprit, qu'occupaient d'autres soins,
L'idée avec le mot, le plus avec le moins!
De la prose! pourquoi? des vers! pourquoi? des rimes!
Des phrases! A quoi bon? A quoi bon les abîmes,
Les mystères, la vie et la mort, les secrets
De la croissance étrànge et sombre des forêts
Et des peuples, et l'ombre où croulent les empires,
Et toute cette énigme humaine où les Shakspeares
Plongeaient, et que fouillaient, les yeux tout grands ouverts,
 
Tacite avec sa prose et Dante avec son vers!
A quoi bon la beauté, l'art, la forme, le style?
Lucrèce et le spondée, Horace et le dactyle,
Et tous ces arrangeurs de rhythmes et de mots,