Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/149

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Et voilà dix-sept ans bientôt qu’ils sont à table !
Le Vol est chancelier, le Meurtre est connétable ;
Ici le Bienheureux, et là le Tout-puissant ;
Le prêtre et le soldat. Paie, ô France. Or et sang.
Le budget se débraille et danse une pyrrhique.
L’obéissance atteint la bassesse lyrique.
Le front haut, vers l’opprobre on marche avec élan ;
C’est à qui tâchera d’être un peu chambellan,
Et d’avoir sur son dos de la honte brodée ;
La France, qui jadis, fier peuple de l’Idée,
Faucha les rois ainsi qu’un moissonneur les blés,
Aboutit à des tas de valets-étoilés.
Quel festin ! Tous y font liesse. Rien n’y manque.
On a l’église, on a l’armée, on a la banque.
Auguste fait asseoir Davus à son côté.
Mangeons ! L’empire est pris d’un accès de gaîté.
Buvons ! L’homme rayonne et la femme étincelle.
Chacun s’essaie au genre où son voisin excelle ;
Dupin est scélérat. César a de l’esprit.
Dix-huit-Brumaire est mort, mais Deux-Décembre rit.
Piétri raille Maupas, Scapin berne Jocrisse,
Tout est gloire ; et s’il faut parer l’impératrice
Pour les bals où bondit l’empereur encor vert,
L’écrin de la couronne est là tout grand ouvert,
On y puise ; et parmi le saphir, l’émeraude,
Le rubis, la, topaze et la perle, on maraude.