Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/93

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C’est sa faute, disait le juge, elle se tait !
Criminelle, avouez ! — Mais elle résistait,
Et refusait d’entrer dans la sombre descente,
La drôlesse, attendu qu’elle était innocente.
Et c’était là sans doute un inconvénient.
Mais le juge ne peut avoir tort : En niant,
On l’irrite. Il ’apprit soudain qu’elle était grosse,
Et dit : Soit. Pour berceau l’enfant aura la fosse.
C’était son droit. Ne point vous ôter un cheveu,
Mais faire ce qu’il faut pour avoir un aveu.
C’est le dernier degré de l’art et de l’étude
D’être tortionnaire avec mansuétude,
Et, sans bruit, sans emprunts au vieux code gaulois,
D’employer l’agonie au triomphe des lois.

La damnée étouffait, et criait : Grâce ! grâce !
Le juge lui disait - Que veux-tu que j’y fasse ?
Avoue ! — Elle pleurait. — De l’air ! je meurs ! — Tu n’as
Qu’à parler, et d’un mot tu romps ce cadenas.
Ta prison deviendra très douce. Vois, décide. °
Tu n’as qu’à t’avouer simplement parricide.
— Non ! — Je te rendrai l’air et le jour. Tu pourras
Avoir des fleurs, avoir un lit, avoir des draps ;
Sortir dans le préau si cela te contente ;
Tu redeviendras fraîche et grasse et bien portante ;
Tu seras bien logée et bien nourrie ; il faut,
Femme, si tu veux vivre, accepter l’échafaud.

Et ce raisonnement touchait peu cette folle.
Force à la loi. Tout autre axiome est frivole.
Quoi, tant d’hommes savants, quoi, Treilhard, Portalis,
Quoi, Tronchet qui plaida devant les fleurs de lys,
Séguier, Berlier, auront dépensé des semaines
A souder la loi gothe avec les lois romaines ;
Bigot-Préameneu, payé par le budget,
Aura consulté Mourre et consulté Target.