Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/485

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Victor Hugo ajoute :

Cathelineau, jaloux, partit de Pin-en-Mauge, donna l’assaut à Jallais et prit un troisième canon.

Il semble bien qu’il a commis une erreur et que le canon pris à Jallais, baptisé le Missionnaire, avait été conquis le premier. C’est peut-être la seule erreur qu’on puisse relever dans son récit, où il a su concentrer, dans un résumé aussi saisissant que rapide, les mouvements de troupes, les multiples engagements, le rôle des chefs, les tactiques des armées, les pièges, les ruses, les actes héroïques ; ayant lu beaucoup de volumes, obligé de démêler les écheveaux compliqués de l’insurrection pour tout mettre en valeur, sans se perdre dans trop de détails, il a du faire appel à sa mémoire qui l’a toujours bien servi ; et quand on a lu, comme nous l’avons fait, tous les livres qu’il a consultés, en suivant son travail de signets annotés, on ne peut qu’admirer l’habileté avec laquelle il a su, en si peu de pages, tirer un si grand parti de l’histoire.

Nous sommes fondés à croire, d’après les notes des signets, que Victor Hugo avait primitivement le projet de donner une plus grande étendue à la partie historique. Nous en avons encore la preuve dans les notes qu’il a prises sur d’innombrables petits bouts de papier, dans les fragments importants du reliquat. Mais, au moment d’écrire le roman, il a considéré que l’histoire risquait de devenir trop envahissante, et, pour que le drame gagnât en intensité et en vigueur, il a été amené à réduire la durée de l’action, puisque, en somme, tous les faits de guerre se développent à partir de juin 1793 ; pendant une période très limitée, depuis l’instant où la Flécharde est blessée jusqu’au sauvetage des enfants. Victor Hugo a donc dû négliger les préparatifs de la guerre de la Vendée et le dénouement pour viser le point culminant des hostilités. C’est pour le même motif qu’il devait peindre en traits plus rapides la Convention, supprimant de nombreuses pages qu’on retrouve dans le reliquat. Il perdait ainsi le bénéfice de son travail préliminaire, puisqu’il diminuait les proportions du cadre, le marquis de Lantenac et Gauvain, la Flécharde et ses enfants formant le centre principal de l’action.

marche du travail.

Si l’on trouve des notes prises des 1841 et utilisées pour Quatrevingt-treize, c’est surtout après la publication de l’Homme qui rit (le premier volume avait paru le 19 avril, le quatrième le 8 mai 1869) que Victor Hugo fit des recherches plus actives. Plusieurs signets intercalés dans les volumes de Louis Blanc sur la Révolution française sont des fragments d’enveloppes de lettres portant les dates : 15 août 1870, 26 octobre 1871, 27 septembre 1872, 28 octobre 1872, 9 novembre 1872 ; et c’est le 16 décembre 1872 qu’il commença la première partie de son livre, achevée en janvier 1873.

On lit dans ses carnets :

21 janvier 1873. Je commence aujourd’hui la deuxième partie du livre 93, celle dans laquelle sera la peinture de la Convention.

9 février. La tempête a inondé, dans mon look-out, plusieurs papiers et, en outre, le livre de Descepeaux sur la chouannerie, déjà. fort délabré et que j’aurai grand’peine à faire sécher.

(En effet, le tome I est débroché, n’a plus de couverture et est fortement taché.)

16 mai. J’ai fait porter hier jeudi, par Mariette, dans la galerie de chêne, tous les livres qui étaient dans le cristal-room et qui m’ont servi pour le livre 93.