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9 juin. Aujourd’hui 9 juin, à midi et demi, dans l’atelier d’en bas où je travaille depuis une huitaine de jours le matin, j’ai terminé le livre Quatrevingt-treize. Il me reste à faire un travail de revision pour les petits détails. Cela me prendra une quinzaine de jours.

J’ai écrit à Victor, à Vacquerie et à Meurice pour leur annoncer que j’avais fini 93.

En effet, ce même jour, Victor Hugo écrit à Paul Meurice[1] :

Ce matin à midi et demi, j’ai écrit la dernière ligne du livre Quatrevingt-treize. Je l’ai écrite avec la plume qui vous écrit en ce moment. Ce premier ouvrage est un commencement d’un grand tout. Ne sachant si j’aurai le temps de faire toute l’immense épopée entrevue par moi, j’ai voulu peindre cette première fresque. Le reste suivra Deo volente. Cela sera intitulé : Quatrevingt-treize.

Premier récit : La guerre civile.

C’est la Vendée. — Cela aura, je crois, deux volumes[2].

Victor Hugo considère que « ce premier ouvrage est un commencement d’un grand tout », il parle d’une « immense épopée » dont il a voulu « peindre cette première fresque », or, dans sa courte préface de l’Homme qui rit, Quatrevingt-treize était le dernier terme d’une trilogie dont l’Aristocratie et la Monarchie étaient les deux premiers termes. Mais il n’avait pas écrit la Monarchie. Doit-on penser qu’il avait renoncé à son projet primitif et que Quatrevingt-treize devenait désormais le commencement d’un grand tout ? Quel était donc le plan du poète ? M. Asseline l’indiquait dans la Tribune de Bordeaux :

Ces trois volumes ne sont que la première partie de la trilogie que Hugo consacrera à cette année plus remplie qu’un siècle. Il peindra et la guerre étrangère et la lutte politique dans deux autres poëmes que couronnera peut-être un quatrième récit qui sera comme la synthèse sereine, comme la concentration puissante en lumière, de tous ces matériaux de lave et de flamme.

Victor Hugo avait voulu « peindre cette première fresque », et c’est sans doute dans la crainte de ne pouvoir achever l’œuvre entrevue qu’il a tenu tout au moins à condenser les événements militaires, comme les luttes des partis politiques, quitte à les développer plus tard en utilisant les renseignements qu’il avait amassés.

Ce qui l’a détourné assurément de poursuivre l’épopée entrevue, c’est le désir d’achever certaines œuvres commencées. (La mise en ordre, en 1875, de ses volumes Actes et paroles, la deuxième série de la Légende des siècles, l’Histoire d’un crime, publiées en 1877 et en 1878.) C’est ensuite la politique : il devenait sénateur en janvier 1876, et les séances, les réunions, les visites à une époque troublée où Mac-Mahon préparait son coup d’État parlementaire, lui enlevaient la liberté d’esprit nécessaire à son travail.

Poursuivons la lecture de ses carnets :

11 juin 1873. J’ai commencé hier 10 juin le travail de revision du manuscrit de Quatre-vingt-treize.

16 juin. L’éditeur Le Chevalier, 61, rue Richelieu, m’écrit pour me demander le livre Quatrevingt-treize. Paul Meurice arrivait à ce moment à Guernesey.

22 juin. À 4 heures et demie j’ai commencé la lecture de Quatrevingt-treize. J’ai lu le commencement jusqu’à la Vendée a une tête. La lecture a duré jusqu’au dîner.

Les 23, 24, 25, 26, 27 juin, Victor Hugo continue la lecture de son livre.

En août Victor Hugo était à Auteuil, à la villa Montmorency.

1er octobre, Paul Meurice m’a annoncé hier que Michaëlis avait conclu en mon nom le

  1. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  2. L’édition originale a trois volumes.