Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/73

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Ploërmel, qui a été de ce qu’on appelle l’Assemblée constituante, mais du bon côté. Tu lui diras d’armer le château de Couesbon qui est au marquis de Guer, émigré. Ravins, petits bois, terrain inégal, bon endroit. M. Thuault est un homme droit et d’esprit. Tu iras ensuite à Saint-Ouen-les-Toits, et tu parleras à Jean Chouan, qui est à mes yeux le vrai chef. Tu iras ensuite au bois de Ville-Anglose, tu y verras Guitter, qu’on appelle Saint-Martin, tu lui diras d’avoir l’œil sur un certain Courmesnil, qui est gendre du vieux Goupil de Préfeln et qui mène la jacobinière d’Argentan. Retiens bien tout. Je n’écris rien parce qu’il ne faut rien écrire. La Rouarie a écrit une liste ; cela a tout perdu. Tu iras ensuite au bois de Rougefeu où est Miélette qui saute par-dessus les ravins en s’arc-boutant sur une longue perche.

— Cela s’appelle une ferte.

— Sais-tu t’en servir ?

— Je ne serais donc pas Breton et je ne serais donc pas paysan ? La ferte, c’est notre amie. Elle agrandit nos bras et allonge nos jambes.

— C’est-à-dire qu’elle rapetisse l’ennemi et raccourcit le chemin. Bon engin.

— Une fois, avec ma ferte, j’ai tenu tête à trois gabeloux qui avaient des sabres.

— Quand ça ?

— Il y a dix ans.

— Sous le roi ?

— Mais oui.

— Tu t’es donc battu sous le roi ?

— Mais oui.

— Contre qui ?

— Ma foi, je ne sais pas. J’étais faux-saulnier.

— C’est bien.

— On appelait cela se battre contre les gabelles. Les gabelles, est-ce que c’est la même chose que le roi ?

— Oui. Non. Mais il n’est pas nécessaire que tu comprennes cela.

— Je demande pardon à monseigneur d’avoir fait une question à monseigneur.

— Continuons. Connais-tu la Tourgue ?

— Si je connais la Tourgue ? j’en suis.

— Comment ?

— Oui, puisque je suis de Parigné.

— En effet, la Tourgue est voisine de Parigné.

— Si je connais la Tourgue ! Le gros château rond qui est le château de famille de mes seigneurs ! Il y a une grosse porte de fer qui sépare le bâtiment