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CAUSERIES ALTIÈRES.

— Il ne va pas en hériter.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il en a hérité. C’est fait.
— C’est fait ?
— Tournez la tête, mylord Eure. Il est assis derrière vous au banc des barons.

Lord Eure se retournait ; mais le visage de Gwynplaine se dérobait sous sa forêt de cheveux.

— Tiens ! disait le vieillard, ne voyant que ses cheveux, il a déjà adopté la nouvelle mode. Il ne porte pas perruque.

Grantham abordait Colepepyr.

— En voilà un qui est attrapé !
— Qui ça ?
— David Dirry-Moir.
— Pourquoi ça ?
— Il n’est plus pair.
— Comment ça ?

Et Henry Auverquerque, comte de Grantham, racontait à John, baron Colepepyr, toute « l’anecdote », la bouteille épave portée à l’amirauté, le parchemin des comprachicos, le Jußu regis contresigné Jeffrys, la confrontation dans la cave pénale de Southwark, l’acceptation de tous ces faits par le lord-chancelier et par la reine, la prise du test dans le rond-point vitré, et enfin l’admission de lord Fermain Clancharlie au commencement de la séance, et tous deux faisaient effort pour distinguer entre lord Fitz Walter et lord Arundel la figure, dont on parlait tant, du nouveau lord, mais sans y mieux réussir que lord Eure et lord Annesley.

Gwynplaine, du reste, soit hasard, soit arrangement de ses parrains avertis par le lord-chancelier, était placé dans assez d’ombre pour échapper à la curiosité.

— Où çà ? où est-il ?

C’était le cri de tous en arrivant, mais aucun ne parvenait à le bien voir. Quelques-uns, qui avaient vu Gwynplaine à la Green-Box, étaient passionnément curieux, mais perdaient leur peine. Comme il arrive quelquefois qu’on embastille prudemment une jeune fille dans un groupe de douairières, Gwynplaine était comme enveloppé par plusieurs épaisseurs de vieux lords infirmes et indifférents. Des bonshommes qui ont la goutte sont peu sensibles aux histoires d’autrui.

On se passait de main en main des copies de la lettre en trois lignes que la duchesse Josiane avait, affirmait-on, écrite à la reine sa sœur, en réponse à l’injonction que lui avait faite sa majesté d’épouser le nouveau pair,