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CROMWELL.
LORD BROGHILL.

Près de Cromwell ! Oui, je cours l’implorer.

Je puis sauver ta vie : elle est proscrite…


LORD ORMOND.

Arrête !

Demande-moi plutôt de protéger ta tête.
Ton insultant appui, ton protecteur, ton roi,
Ton Cromwell est plus près de sa perte que moi.


LORD BROGHILL.

Qu’entends-je ?


LORD ORMOND.

Écoute donc. Dévoré de tristesse,

Las des titres mesquins de protecteur, d’altesse,
Cromwell veut être enfin, au dais royal porté,
Salué par les rois du nom de majesté.
Cromwell, dans ce butin que chacun se partage,
Prend de Charles premier le sanglant héritage.
Il l’aura tout entier ! son trône et son cercueil.
Le régicide roi saura dans son orgueil
Que la couronne est lourde, et, bien qu’on s’en empare.
Qu’elle écrase parfois les têtes qu’elle pare !


LORD BROGHILL.

Que dis-tu ?


LORD ORMOND.

Que demain, à l’heure où Westminster

S’ouvrira pour ce roi, que va sacrer l’enfer,
Sur les marches du trône un instant usurpées.
On le verra sanglant rouler sous nos épées !


LORD BROGHILL.

Insensé ! son cortège est l’armée, et toujours
Ce mouvant mur de fer enveloppe ses jours.
Sais-tu bien seulement le nombre de ses gardes ?
Comment percerez-vous trois rangs de hallebardes,
Ses pesants fantassins, ses hérauts, ses massiers,
Ses mousquetaires noirs, ses rouges cuirassiers ?