Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/90

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GILBERT.

Fille de lord Talbot !

JANE.

J’en sais un plus beau.

GILBERT.

Lequel ?

JANE.

Femme de l’ouvrier Gilbert.

GILBERT.

Jane !…

JANE.

Oh ! non, oh ! ne crois pas que je te demande cela. Oh ! je sais bien que j’en suis indigne. Je ne lèverai pas mes yeux si haut. Je n’abuserai pas à ce point du pardon. Le pauvre ciseleur Gilbert ne se mésalliera pas avec la comtesse de Waterford. Non, je te suivrai, je t’aimerai, je ne te quitterai jamais. Je me coucherai le jour à tes pieds, la nuit à ta porte. Je te regarderai travailler, je t’aiderai, je te donnerai ce qu’il te faudra. Je serai pour toi quelque chose de moins qu’une sœur, quelque chose de plus qu’un chien. Et, si tu te maries, Gilbert, car il plaira à Dieu que tu finisses par trouver une femme pure et sans tache, et digne de toi, eh bien, si tu te maries, et si ta femme est bonne, et si elle veut bien, je serai la servante de ta femme. Si elle ne veut pas de moi, je m’en irai, j’irai mourir où je pourrai. Je ne te quitterai que dans ce cas-là. Si tu ne te maries pas, je resterai près de toi, je serai bien douce et bien résignée, tu verras ; et, si l’on pense mal de me voir avec toi, on pensera ce qu’on voudra. Je n’ai plus à rougir, moi, vois-tu ! je suis une pauvre fille !

GILBERT, tombant à ses pieds.

Tu es un ange ! tu es ma femme !

JANE.

Ta femme ! tu ne pardonnes donc que comme Dieu, en purifiant ! Ah ! sois béni, Gilbert, de me mettre cette couronne sur le front.

Gilbert se relève et la serre dans ses bras. Pendant qu’ils se tiennent étroitement embrassés, Joshua vient prendre la main de Jane.
JOSHUA.

C’est Joshua, lady Jane.

GILBERT.

Bon Joshua !

JOSHUA.

Tout à l’heure vous ne m’avez pas reconnu.