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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome VI.djvu/305

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ACTE II, SCÈNE II.

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M. BARUTIN.

Cela existe pourtant. Il suffit d’un chagrin d’amour. On peut tout dorer, excepté le cœur. Ce Puencarral, — ah ! tu ne le connais pas, — est très particulier. C’est un millionnaire au désespoir, et de plus, un capitaliste naïf. C’est un poëte, ce financier. Il est toujours dans l’cmpyrée. Il a confiance dans le premier venu. C’est sa manière. Et le bizarre, c’est que cela lui réussit. Etre crédule est son moyen de succès comme pour d’autres être sceptique. On le fraude, on le fait tomber dans des chausse-trapes, il s’en tire plus riche qu’auparavant. Il a de la chance, une hausse survient, on ne sait quoi, et la tricherie qu’on lui a faite tourne à son profit. Il s’est enrichi à être dupe comme tel autre à être fripon. Il faudra que je te présente chez lui.

M. DE PONTRESME.

Ce que tu prends pour l’exception est la règle. Un millionnaire doit toujours être trompé sur toute chose. C’est moral. C’est sa faute, pourquoi est-il millionnaire.’*

Tu l’es bien, toi !

M. BARUTIN.

M. DE PONTRESME.

Aussi tout le monde me met dedans. Sois tranquille, je ne me marierai pas.

Tu es un sage.

M. BARUTIN.

M. DE PONTRESME.

Sagesse non, logique oui. Je raisonne un homme, un caractère, une existence. Ce Puencarral est un mélancolique, par conséquent un peu la marionnette de tout le monde. Les gens tristes sont distraits. On en profite pour jouer d’eux. Et cet homme triste est un homme heureux. Tout lui réussit. Encore deux choses qui vont bien ensemble. Il gagne des millions sans avoir l’air d’y toucher.

M. BARUTEN.

Ni d’en vouloir. Et cet homme heureux est un homme sévère. M. DE PONTRESME.

Encore deux choses qui vont volontiers ensemble. Bonheur et scvéritc.