l’admettrais, et voici pourquoi. Je ne veux compromettre les intérêts de personne, principalement des pauvres et des faibles, et les comédiens, en général, sont faibles et pauvres. Avec le système de la liberté industrielle il se présentera plus d’un aventurier qui dira : — Je vais louer un local, engager des acteurs ; si je réussis, je paierai ; si je ne réussis pas, je ne paierai personne. — Or c’est ce que je ne veux point. Le cautionnement répondra. Il aura un autre usage, le paiement des amendes qui pourront être infligées aux directeurs. À mon avis, la liberté implique la responsabilité ; c’est pourquoi je veux le cautionnement.
M. le président. — On a proposé devant la commission d’établir, dans l’hypothèse où la liberté industrielle serait proclamée, des conditions qui empêcheraient d’établir, sous le nom de théâtres, de véritables échoppes, conditions de construction, conditions de dimension, etc.
M. Victor Hugo. — Ces conditions sont de celles que je mettrais à l’établissement des théâtres.
M. Scribe. — Elles me paraissent parfaitement sages.
M. le président. — On avait proposé aussi d’interdire le mélange des représentations théâtrales avec d’autres industries, par exemple les cafés-spectacles.
M. Alexandre Dumas. — C’est une affaire de police.
M. le conseiller Dufresne. — Comment seront administrés, dans le système de M. Hugo, les théâtres subventionnés ?
M. Victor Hugo. — Vous me demandez comment je ferais administrer, dans mon système, les théâtres subventionnés, c’est-à-dire les théâtres nationaux et les théâtres municipaux.
Je commence par vous dire que, quoi que l’on fasse, le résultat d’un système est toujours au-dessous de ce que l’on en attend. Je ne vous promets donc pas la perfection, mais une amélioration immense. Pour la réaliser, il est nécessaire de choisir avec un soin extrême les hommes qui voudront diriger ce que j’appellerais volontiers les théâtres-écoles. Avec de mauvais choix l’institution ne vaudrait pas grand’chose. Il arrivera peut-être quelquefois qu’on se trompera ; le ministère, au lieu de prendre Corneille, pourra prendre M. Campistron ; quand il choisira mal, ce seront les théâtres libres qui corrigeront le mal, et alors vous aurez le Théâtre-Français ailleurs qu’au Théâtre-Français. Mais cela ne durera pas longtemps.
Je voudrais, à la tête des théâtres du gouvernement, des directeurs indépendants les uns des autres, subordonnés tous quatre au directeur, ou, pour mieux dire, au ministre des arts, et se faisant, pour ainsi dire, concurrence entre eux. Ils seraient rétribués par le gouvernement et auraient un certain intérêt dans les bénéfices de leurs théâtres.