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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 4.djvu/126

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PENDANT L’EXIL. — 1867.

Cette main froide, auprès de ces paupières closes,
A fait jaillir ton lait sous ses petits doigts roses ;
Voici le premier-né ; voici le dernier-né.
Ô d’espérance éteinte amas infortuné !
Pleurs profonds ! ils vivaient ; ils réclamaient leur Tibre ;
Être jeune n’est pas complet sans être libre ;
Ils voulaient voir leur aigle immense s’envoler ;
Ils voulaient affranchir, réparer, consoler ;
Chacun portait en soi, pieuse idolâtrie,
Le total des affronts soufferts par la patrie,
Ils savaient tout compter, tout, hors les ennemis.
Hélas ! vous voilà donc pour jamais endormis !
Les heures de lumière et d’amour sont passées,
Vous n’effeuillerez plus avec vos fiancées
L’humble étoile des prés qui rayonne et fleurit…
Que de sang sur ce prêtre, ô pâle Jésus-Christ !

Pontife élu que l’ange a touché de sa palme,
À qui Dieu commanda de tenir, doux et calme,
Son évangile ouvert sur le monde orphelin,
Ô frère universel à la robe de lin,
À demi dans la chaire, à demi dans la tombe,
Serviteur de l’agneau, gardien de la colombe,
Qui des cieux dans ta main portes le lys tremblant,
Homme près de ta fin, car ton front est tout blanc
Et le vent du sépulcre en tes cheveux se joue,
Vicaire de celui qui tendait l’autre joue,
À cette heure, ô semeur des pardons infinis,
Ce qui plaît à ton cœur et ce que tu bénis
Sur notre sombre terre où l’âme humaine lutte,
C’est un fusil tuant douze hommes par minute !

Jules deux reparaît sous ma mitre de fer.
La papauté féroce avoue enfin l’enfer.

Certes, l’outil du meurtre a bien rempli sa tâche ;
Ces rois ! leur foudre est traître et leur tonnerre est lâche.
Avoir été trop grands, français, c’est importun.
Jadis un contre dix, aujourd’hui dix contre un.