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PENDANT L’EXIL. — 1867.

Cette petite fondation a donc deux buts principaux, un but d’hygiène et un but de propagande.

Au point de vue de l’hygiène, réussit-elle ? Oui. La preuve la voici : depuis six ans que ce Dîner des enfants pauvres est fondé à Hauteville-House, sur quarante enfants qui y prennent part, deux seulement sont morts. Deux en six ans ! Je livre ce fait aux réflexions des hygiénistes et des médecins.

Au point de vue de la propagande, réussit-elle ? Oui. Des Dîners hebdomadaires pour l’enfance pauvre, fondés sur le modèle de celui-ci, commencent à s’établir un peu partout ; en Suisse, en Angleterre, surtout en Amérique. J’ai reçu hier un journal anglais, le Leith Pilot, qui en recommande vivement l’établissement.

L’an dernier je vous lisais une lettre, insérée dans le Times, annonçant à Londres la fondation d’un dîner de 320 enfants. Aujourd’hui voici une lettre que m’écrit lady Thompson, trésorière d’un Dîner d’enfants pauvres dans la paroisse de Marylebone, où sont admis 6,000 enfants. De 300 à 6,000, c’est là une progression magnifique, d’une année à l’autre. Je félicite et je remercie ma noble correspondante, lady Thompson. Grâce à elle et à ses honorables amis, l’idée du solitaire a fructifié. Le petit ruisseau de Guernesey est devenu à Londres un grand fleuve.

Un dernier mot.

Tous, tant que nous sommes, nous avons ici-bas des devoirs de diverses sortes. Dieu nous impose d’abord les devoirs sévères. Nous devons, dans l’intérêt de tous les hommes, lutter ; nous devons combattre les forts et les puissants, les forts quand ils abusent de la force, les puissants quand ils emploient au mal la puissance ; nous devons prendre au collet le despote, quel qu’il soit, depuis le charretier qui maltraite un cheval jusqu’au roi qui opprime un peuple. Résister et lutter, ce sont de rudes nécessités. La vie serait dure si elle ne se composait que de cela.

Quelquefois, à bout de forces, on demande, en quelque sorte, grâce au devoir. On se tourne vers la conscience : Que veux-tu que j’y fasse ? répond la conscience ; le devoir est de continuer. Pourtant on interrompt un moment la lutte, on se met à contempler les enfants, les pauvres