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LA FÊTE DE BESANÇON.

porains, pendant les trois générations, si différentes entre elles, qu’il a traversées. Les hommes du premier tiers de ce siècle se groupent autour de lui : Balzac a été un des applaudisseurs de son Hernani ; Lamartine, Musset, Vigny, Sainte-Beuve, George Sand, Mérimée, ont plus ou moins ressenti son influence. Paul de Saint-Victor a prophétisé que sous les pas de celui qu’on appelait le roi des Huns ne repousseraient jamais « les tristes chardons et les fleurettes artificielles des pseudo-classiques ». Théodore de Banville voit en lui un géant, un Hercule victorieux, et, dans son merveilleux Traité de la poésie française, justifie toutes les règles de la poétique nouvelle par des exemples empruntés à celui qu’il appelle tout simplement le poëte. Michelet se défend de toucher au sujet de Notre-Dame de Paris, parce que, dit-il, « il a été marqué de la griffe du lion ».

Théophile Gautier, bien des années après la représentation d’Hernani, lui qui a compté parmi les trois cents Spartiates, écrivait ceci :

« Cette date reste écrite dans le fond de notre passé en caractères flamboyants… Cette soirée décida de notre vie. Là, nous reçûmes l’impulsion qui nous pousse encore après tant d’années et qui nous fera marcher jusqu’au bout de la carrière. »

« Cette impulsion n’a pas été donnée à Théophile Gautier seulement ; elle a été donnée à tout un siècle, à tout un monde, qui depuis ce jour-là est en marche.

« Les Grecs disaient que d’Homère découlait toute poésie. De Victor Hugo sort aussi une grande source de poésie qui s’est répandue sur les esprits les plus divers et qui les a vivifiés. Les peintres comme Delacroix, les musiciens comme Berlioz ont bu à cette source.

« L’action qu’il a exercée sur ses premiers contemporains s’étend encore sur la génération actuelle. Lorsqu’en 1867, sous l’empire, eut lieu la première reprise d’Hernani, le poëte exilé reçut une adresse de quelques-uns des noms les plus illustres de la jeune école : Sully Prudhomme, Coppée, Jean Aicard, Theuriet, Léon Dierx, Armand Silvestre, Lafenestre. Bien des vaillants qui avaient fait partie des « vieilles bandes d’Hernani » étaient couchés dans la tombe ; une armée nouvelle sortait de terre, rien qu’à voir frissonner de nouveau les plis du vieux drapeau ; la vieille garde morte, toute une jeune garde accourait se ranger autour du maître. »

Le public a souvent interrompu par ses applaudissements ce