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NOTES.

rappeler en quelques paroles la marche ascensionnelle et progressive de ce grand esprit dans son évolution politique, son influence sur ses contemporains et les services qu’il a rendus.

Victor Hugo vint au monde à l’heure où la France, après une longue et douloureuse lutte entre le passé et l’avenir, s’était donné un maître, à l’heure où elle avait abdiqué sa volonté et ses destinées entre des mains puissantes et implacables. Un compromis tacite et fatal était intervenu entre les entraînements de la veille et les nécessités du jour. Victor Hugo grandit dans une famille où régnaient les traditions monarchiques unies au souvenir tragique, mais imposant, de l’épopée révolutionnaire. L’enfant subit nécessairement l’influence de cette atmosphère. Aussi voua-t-il une admiration de poète au génie de Napoléon ; puis, par une pente naturelle, il célébra le retour des Bourbons comme une espérance de repos, comme une promesse d’épanouissement intellectuel et libéral.

À ce moment, commencèrent pour Victor Hugo ces mémorables luttes littéraires qu’il ne m’appartient pas de vous décrire. Il n’entra dans la vie politique active que vers les dernières années du régime de Juillet. Dans les remarquables harangues qu’il prononça alors devant la Chambre des Pairs, on discerne facilement la transformation qui devait le conduire à des croyances démocratiques et républicaines s’affermissant à chaque pas pour ne plus se démentir jusqu’à son dernier soupir. On sent déjà dans la parole de Victor Hugo un amour passionné de la patrie, un esprit altéré d’idéal et de grandeur, s’enivrant des gloires de la France, pleurant ses défaites, élevant toujours la voix en faveur des opprimés, des exilés et des vaincus.

À son tour, il fut proscrit et c’est surtout dans les douleurs de l’exil qu’il se montra vaillant et superbe. Sous les humiliations qui accablaient la France, son vers vengeur retentit comme le clairon de ralliement et d’espérance.

Rentré le 4 septembre, Victor Hugo partagea toutes les angoisses de la lutte gigantesque qui aboutit au démembrement de la patrie ; mais, après la paix, le poète rendit à nos morts un solennel hommage et releva les courages par ce cri de suprême consolation : Gloire aux vaincus !

Lorsqu’il vint siéger au sénat, l’apaisement s’était fait en lui. De grands malheurs intimes avaient ajouté leur fardeau au poids de ses tristesses nationales ; la sérénité était cependant rentrée dans son âme. Lui qui avait prophétisé que « la République était la terre ferme », il la tenait, victorieuse et vivante. Son idéal était réalisé ! Vous le voyez encore, messieurs les sénateurs, sur ce fauteuil que la piété de ses collègues veut consacrer, les mains croisées sur la poitrine, son front olympien incliné ; attirant tous les regards et tous les hommages, déjà dans sa pose d’immortalité ! La dernière fois